accoparent2021 | Publié le |
Où est ma place ?

Famille, vous avez dit famille?
La notion de famille a considérablement évolué au cours des dernières décennies. La fonction parentale évolue donc également.
La famille d’aujourd’hui, constituée d’au moins 2 personnes (INSEE) offre une composition variée : famille monoparentale, homosexuelle, recomposée, « parents de cœur » etc… 6 enfants sur 10 naissent hors mariages, et plus tardivement (autour de 30 ans pour le 1er enfant). La fragilité conjugale est croissante alors que le lien parental est de plus en plus valorisé.
75 % des mères de famille avec un seul enfant âgé de moins de 3 ans ont un emploi mais elles ne sont que 40 % dans ce cas lorsqu’elles ont une famille nombreuse. La moitié des mères seule avec un enfant ont un emploi. Pour les pères en couple, il s’élève au moins à 87 %, quelle que soit la situation familiale.
Les ruptures d’unions plus fréquentes renforcent la fragilité des trajectoires et génèrent des inégalités sociales. On réalise également que ce n’est pas tant la rupture conjugale mais bien les conflits parentaux qui sont délétères pour les enfants.
Un seul modèle pour des familles différentes ?
Au cours du siècle dernier de nombreuses théories et modèles d’éducation se sont succédé. D’une famille patriarcale dans laquelle les places de chaque membre de la famille étaient immuables, aux années 68 avec son lot de théories parfois originales (voire dangereuses), nous sommes aujourd’hui confrontés à une perte de repères des fonctions parentales.
En voulant faire différemment de leurs aïeux, de nombreux parents tentent d’appliquer (par exemple) une éducation bienveillante et positive et se trouvent démunis face à un enfant en recherche de repères et de cadre. La vie de couple et l’équilibre de toute la famille peuvent vaciller.
Où sont papi et mamie ?

La famille élargie s’étiole : les grands-parents dont le rôle peut être si important sont parfois loin ou travaillent encore. Ils sont pourtant une source d’amour inconditionnel et puits d’apprentissages ! Car ils prennent le temps de gâter, de jouer, de nommer, de raconter, d’écouter.
Ne leur demandez pas de coucher les enfants à 20h00 ou de limiter les sucreries : chez papi et mamie, tout est permis, ou presque ! Libérés du poids éducatif, ils participent pleinement aux apprentissages aussi bien culturels que relationnels.
L'évolution de la place de l'enfant
Les apports de grands psychologues et psychanalystes au début du 20e siècle ont permis de considérer l’enfant en tant que personne, doué de capacités jusque-là ignorées, y compris in utéro, mais aussi capable de ressentir la douleur physique (seulement depuis 1980 !) et psychique.
Nous sommes passés de relations parents-sachants/enfants-ignorants à des relations égalitaires parent/enfant. Or, l’enfant n’est pas un adulte miniature ! Le cerveau de l’enfant est vulnérable et malléable : il se construit par rapport à son environnement à travers ses expériences affectives et relationnelles. Son cerveau « cartésien » ne sera pas mature avant l’âge de 7 ans alors que son cerveau « limbique » chargé des émotions est en plein développement. Son cerveau reptilien, instinctif et dédié à la survie, peut venir bloquer le développement des 2 autres.

L’enfant ne peut pas non plus comprendre les contraintes, les obligations ou les besoins de ses parents alors qu’il perçoit bien leurs peurs, leurs chagrins ou leur stress, avant même sa naissance…
Nous devons reconnaître leurs besoins mais eux, ne peuvent comprendre les nôtres.
Le "care" des hommes et des femmes
Le « care » est un terme anglo-saxon qui désigne d’une part la sensibilité aux besoins des autres, l’empathie, la sollicitude, et d’autre part, l’action de prendre en charge ces besoins.
Au fil des siècles, et en particulier pendant le 18e, les rôles assignés à chaque sexe se sont comme rigidifiés. Les femmes, donnant la vie, se sont vu attribuer par extension les soins aux nouveau-nés et aux petits-enfants, l’éducation, la vie de famille et l’entretien de la maison. La maternité s’est alors confondue avec les tâches de maternage et la figure de la mère est devenue la représentation parfaite du care. Les femmes étant alors toutes perçues comme des mères potentielles, l’imaginaire collectif les a considérées comme naturellement plus compétentes lorsqu’il s’agissait de prendre soin. Aujourd’hui, même si les femmes ont largement intégré la sphère professionnelle, elles restent ancrées dans ces rôles.
Si les pères commencent à intégrer les charges quotidiennes dans leur emploi du temps, le poids des soins apportés à la famille reste encore inégal entre hommes et femmes. Le « care » des femmes actuelles est augmenté par la présence des jeunes qui restent à la maison plus longtemps et des grands-parents dont la durée de vie s’est allongée.
Ces femmes « post-it », expertes des « to do list » ont des charges mentales et physiques impressionnantes qui peuvent les conduire à un épuisement maternel. Car les femmes qui travaillent doivent, tout comme les hommes, gérer la pression liée à leur emploi, les transports etc…
Nous sommes encore loin de la parité dans la gestion des soins à apporter aux enfants, la gestion des rendez-vous médicaux, les entretiens avec les enseignants, les devoirs scolaires, l’organisation des repas, du linge, ménage etc… Et ce, quelle que soit la classe sociale.

Combien de fois ai-je entendu, alors que la femme elle-même occupe un emploi : « mon conjoint ne peut pas m’aider, il travaille… », combien de femmes épuisées en pleurs dans mon cabinet parce qu’elles se sentent seules à gérer les difficultés de leur enfant !
A leur décharge, beaucoup de femmes tirent une certaine fierté dans leur position de « Wonder Woman » et laissent peu de place au père. Garder la maîtrise pour que tout se passe au mieux. « Il ne sait pas faire » signifie bien souvent « il ne fera pas aussi bien que moi ». Mais… puisqu’il n’a pas l’occasion de le faire, il n’apprend pas. Et si les pères font différemment, ce n’est pas pour autant moins bien. Après tout, est-ce si important que la douche soit donnée tous les soirs ? Ou que le coucher soit à 20h00 précise et pas 10 minutes plus tard ? Un moment de « bagarre câlin » avec ses enfants est peut-être aussi (plus !) important.
Quant au burn out parental, il est souvent la conséquence d’une organisation familiale déstructurée dans laquelle l’enfant n’a pas sa place d’enfant.
Un paradoxe : l’importance de l’investissement parental versus le manque de disponibilité
Les étapes « normales » du développement de l’enfant sont scrutées dès la naissance : bébé doit s’assoir à 6 mois, marcher à 12, parler à 2 ans…La crèche et l’école prennent le relais en mesurant le moindre apprentissage. Pour certains parents, les premières angoisses commencent… suis-je un bon parent ? Mon enfant va-t-il « réussir » ?
La pression sociétale est telle que certains deviennent de véritables « parents managers » : cours particuliers, musique, sports, compétitions, quel que soit l’âge de l’enfant. A travers ces activités, le parent pense mettre tout en œuvre pour la réussite de son enfant. Mais toutes ces activités sont d’une part très chronophages pour les parents et les enfants, d’autre part sont sources d’enjeux de réussite (du parent ?) qui pèsent sur l’enfant. Il est pourtant indispensable de transmettre la gestion de l’échec dans tous les apprentissages, car qui n’échoue pas n’apprend pas !
Quant à l’ennui, il n’est plus à démontrer qu’il est source de créativité…à condition de ne pas mettre l’enfant devant des écrans. Et il faut bien faire la différence entre une exigence parentale nécessaire et la qualité de cette exigence : une exigence mesurée et adaptée à chaque enfant.
Quelles priorités donnons-nous à nos enfants ?
Où sont leurs places dans nos vies d’adulte ?
La disponibilité apportée aux enfants est un élément essentiel car nous sommes des êtres de relations qui nous construisons à travers elles. Lorsque nous observons les plus petits, nous voyons combien ils apprennent en nous imitant physiquement et verbalement.
Or, de nombreux facteurs viennent entraver le temps passé avec les enfants. Aux contraintes de transport, obligations professionnelles, administratives ou familiales, s’ajoutent toutes les addictions aux écrans : télévision, portable, tablette, ordinateur, Nintendo…. La fatigue de la journée donne la permission aux adultes de se « détendre » de manière passive.

Si le bébé hurle pour faire entendre ses besoins et obtenir les bras, il n’en sera pas de même pour les enfants plus grands. Car, si certains imaginent de multiples « bêtises » pour attirer l’attention des parents, d’autres se plaisent à les imiter et deviennent addicts aux écrans très rapidement. Et il est tellement plus facile de dire OUI que de dire NON : pas de gestion de conflits, pas de colère, du silence…du moins pour un temps. Toutes les études réalisées sur le sujet montrent que laisser un enfant seul devant un écran est délétère pour son développement. Il est important de préciser que ce ne sont pas les écrans qui sont nocifs mais bien l’utilisation qui en est faite : car un jeu partagé sur écran avec son enfant n’a pas du tout les mêmes effets ! Rappelez-vous : l’enfant est un être de relations avec un cerveau malléable.
Se rendre disponible à son enfant, ce n’est pas seulement prendre soin de lui physiquement, l’emmener à ses activités ou vérifier ses devoirs. C’est aussi partager des moments de complicité avec chacun : et si l’on disait 30 minutes de complicité par semaine, cap ou pas cap ?

J’aime raconter aux parents l’histoire de l’avion dans lequel les masques à oxygène tombent en cas de problème. On demande aux parents de placer leur masque sur la bouche en premier afin de pouvoir aider ensuite les enfants à les mettre. Car si le parent perd connaissance, qui va aider l’enfant ?
Un parent en détresse peut avoir besoin de soutien ou de repos, de prendre soin de lui pour pouvoir prendre soin de son enfant.
Quels que soient les nouveaux apports de la psychologie, gardons toujours en tête que le rôle d’un parent n’est pas qu’« action »: il est comme un voyage initiatique fait d’apprentissages, d’erreurs, d’improvisations, de spontanéité et d’amour. Croire en sa propre valeur et ses compétences tout en ayant le courage de se reconnaître imparfait et capable d’accepter de l’aide, c’est une jolie base.
L.D